Olivier Diansosa

Olivier Diansosa

BIENVENUE SUR MON PETIT UNIVERS  

"Les hommes doués d'intelligence ont une soif d'éducation semblable à la soif de pluie
qu'éprouve un champ de culture". Ali.

  

 

 LA COHABITATION : UN RÉGIME JURIDIQUE CONSTITUTIONNELLEMENT INÉDIT EN DROIT POSITIF CONGOLAIS 

 

Le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement accuse la Majorité Présidentielle de faire preuve de mauvaise foi, la Majorité Présidentielle, elle, dénonce la mauvaise foi du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement. En cause : le mode de désignation du Premier Ministre de la Transition.

 

En effet, l'accord politique global et inclusif du Centre Interdiocesain signé le 31 décembre 2016 prévoit que pendant la période préélectorale et électorale, la gestion des affaires publiques sera "inclusive" au niveau de l'exécutif national et le Gouvernement sera dirigé par le Premier ministre présenté par l'Opposition politique non signataire de l'Accord du 18 octobre 2016 - Rassemblement - et nommé par le Président de la république conformément à l'article 78 de la Constitution du 18 février 2006. (Chapitre III, 3, 1 et 3)

 

Cependant, pour permettre la mise en application effective dudit accord, les parties prenantes au dialogue se sont convenues de déterminer par un arrangement particulier les modalités pratiques de gestion de l'Etat pendant la Transition. Lors des ses négociations, les deux principales parties, la Majorité Présidentielle, ci-dessous MP, et le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement, ci-dessous Rassemblement, se sont opposées farouchement sur le mode de désignation du Premier ministre.

 

Pour le Rassemblement, en exigeant le dépôt d'une liste des candidats Premier Ministre, la MP viole flagramment les clauses de l’accord du 31 décembre 2016 et pour la MP en proposant un seul nom, le Président de la République passe pour une simple autorité entérinement, ce qui est, pense t-elle, une violation du pouvoir discrétionnaire du Chef de l'Etat prévu à l'article 79 alinéa 4 de la Constitution.

 

Face à l’opiniâtreté des uns et des autres, ai jugé utile de questionner la Constitution du 18 février 2006 et l'accord de la Saint Sylvestre sur le mode de nomination du Premier Ministre et l'étendue du pouvoir discrétionnaire du Président de la république.

 

 

Notion du pouvoir discrétionnaire du Président de la république

 

Le Premier ministre est d'abord le chef du Gouvernement. Il conduit la politique de la nation définit en concertation avec le Président de la république et il  en assume la responsabilité devant le Parlement. (Articles 90 et 91 de la Constitution) La nomination du Premier ministre incombe au seul Président de la République. C'est un acte du pouvoir discrétionnaire.

 

On distingue en effet les "pouvoirs propres" du Président de la république et les "pouvoirs partagés". Ces derniers sont dits partagés par-ce-que le Président de la république l'exerce concomitamment avec le Gouvernement, c'est-à-dire pour qu'un acte présidentiel produise les effets juridiques escomptés il doit être contresigné par le Premier ministre ou, le cas échéant, du ou des Ministres concernés.

 

Par le contreseing ministériel, le Président de la république échappe donc au contrôle parlementaire et opère automatiquement un transfert de responsabilité. Dans ce cas, seul le Premier Ministre ou, le cas échéant, le ou les Ministres contresignataires de l'acte présidentiel endosse la responsabilité politique devant le Parlement. C'est le fameux principe de l'irresponsabilité politique du Chef de l'Etat consacré dans un régime parlementaire ou semi-présidentiel, cas de la RdCongo.

 

Par contre, les pouvoirs propres du Président de la république sont exercés sans le contreseing ministériel. Ils sont discrétionnaires c'est-à-dire laissé à la discrétion, au discernement ou à la libre appréciation du Président de la république. Il les utilise seul, sa seule signature suffit. L'article 79 alinéa 4 de la Constitution énumère ses pouvoirs, il s'agit : (1) la nomination du Premier ministre; (2) l'investiture des Gouverneurs et vices Gouverneurs élus; (3) l'attribution des grades dans l'ordre nationaux et les décorations et (4) la déclaration de guerre. Il s'agit également du droit de dissoudre l'Assemblée nationale (Art. 148 ); l’initiative de la révision constitutionnelle (Art. 218), la décision de recourir à l'article 85 de la Constitution...  

 

Il sied de préciser que cette expression est quelque peu trompeuse puisque le Président de la république n'est pas complètement libre dans l'exercice de ces pouvoirs. Certains d'entre eux, pour les utiliser, il faut l’intervention d’une autre autorité. C'est ainsi, pour qu'il ait effectivité de la nomination du Premier Ministre et de son Gouvernement, l'Assemblée nationale doit investir le Gouvernement.

 

Si le Premier ministre obtient un vote de confiance, le Gouvernement est investit et entre en fonction. S'il n'obtient pas la confiance de l'Assemblée nationale, dans ce cas, le Gouvernement doit démissionner (Art. 146 de la Constitution). Le Président de la république peut alors choisir de nommer un autre Premier Ministre ou - option très risquée - de garder le même Premier ministre qui forme un nouveau Gouvernement. Ce dernier choix fut celui du Président Joseph Kasavubu en 1964, en gardant Evarist Kimba, une grave crise institutionnelle a causé le deuxième coup d'Etat du Président Mobutu.

 

Le Président de la république peut également décider de dissoudre l’Assemblée nationale. Dans ce cas, le Gouvernement renversé reste en place, le temps de gérer les affaires courantes, jusqu’à la tenue anticipée des élections législatives.

 

 

Que prévoit la Constitution sur la nomination du Premier ministre

 

Le Président de la république nomme un Premier ministre au sein de la majorité parlementaire. C'était notamment le cas de la nomination d'Antoine Gizenga comme Premier Ministre du Président Joseph Kabila le 30 décembre 2006 ou en date du 10 octobre 2008 avec Adolphe Musito. Il y a eu coïncidence entre le camp présidentiel et la majorité parlementaire.

 

La logique constitutionnelle voudrait que si une telle majorité n’existe pas, le Président de la république confie, pour une durée de trente jours, une mission d’information à une personnalité en vue d’identifier une coalition parlementaire. Tel a été le cas, pour élargir une nouvelle coalition parlementaire, d'une mission d'information confiée le 08 mars 2012 au Premier vice-président de l'Assemblée nationale, Charles Mwando Simba.

 

Sommes-nous dans l'un de ces deux cas prévus par la Constitution ?

 

Non, nous ne sommes pas dans l’hypothèse où la majorité présidentielle, comme en décembre 2006, coïncide avec la majorité parlementaire, où le Président de la république nommerait librement un Premier ministre au sein de sa majorité. Nous ne  sommes pas, non plus, au cas prévu par l'alinéa 2 de l'article 78 qui prévoit la création, par le jeu des alliances, d’une majorité parlementaire.

 

Il est d'une importance primordiale de rappeler que les dispositions de l'article 78 de la Constitution ne s'appliquent que dans un contexte politique cohérent et normal. Cas supra évoqués. Qu'en est-il aujourd’hui ?

 

 

Contexte politique post 19 décembre 2016

 

La Commission Électorale Nationale Indépendante, CENI, en ayant pas convoqué le scrutin de l'élection du Président de la république quatre-vingt-dix jours avant la fin du mandat du Président en exercice, a enfreint la Constitution et par conséquent a crée une grave crise institutionnelle en République démocratique du Congo. La Présidence de la république, l'Assemblée nationale ainsi que toutes les Assemblées provinciaux et par voie de conséquence le Sénat ont été, à cause de l’incurie du Président Kabila, dépourvus de leur légitimité.

 

Pour réclamer la tenue d’un dialogue politique global et inclusif et exiger le départ du Président Kabila, le Rassemblement a organisé plusieurs meetings et manifestations publiques entre le 19 septembre et le 19 novembre 2016. Il eut plusieurs centaines des morts et des milliers des personnes portées disparues, exilées ou emprisonnées. Ces graves violences meurtrières ont placé la République démocratique du Congo sous la surveillance du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies.

 

Le 19 décembre 2016 tout s’arrête, pouvons-nous immanquablement observer sur les réseaux sociaux. L'annonce du soulèvement populaire a créé un climat de psychose généralisé dans toute l'étendue du territoire national. Certaines chancelleries des pays occidentaux, en l'instar des Etas-Unis d'Amérique, du Canada et de la Belgique, ont donné à leurs ressortissants l'ordre de quitter la RDC avant le 19 décembre 2016. 

 

Après l'échec du Dialogue de la Cité de l'Union Africaine conduit sous la médiation de l'ancien Premier ministre Togolais, le Président de la république a délégué aux Évêques de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo - CENCO - une portion de ses prérogatives constitutionnelles prévue par les prescrits de l'article 69 de la Constitution envue de réunir la classe politique autour d'un  dialogue national, global et inclusif pour résoudre la crise de légitimité des institutions à mandat électif.

Que conformément à la mission des bons offices lui confiée, la CENCO assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions après le 19 décembre 2016. Elle veuille, lors des négociations, au respect de la Constitution.

 

Après plusieurs semaines et nonobstant moult difficultés, la mission des bons offices de la CENCO a engendré dans la soirée du 31 décembre 2016 un accord politique approuvé par l'ensemble de la classe politique et saluer par la communauté internationale. Cet accord a suscité l'espoir d'une poursuite paisible du processus électoral et a éloigné le spectre de la violence en République démocratique du Congo.

 

L'accord ainsi trouver a donné une nouvelle légitimité politique aux institutions de la république. C'est ainsi l'autorité du Président Kabila qui était contestée, a repris ses lettres de noblesse et le nouveau Premier ministre devrait spécialement provenir de l'Opposition politique. Un retour au partage équitable et équilibré du pouvoir.

 

A la question de savoir si les délégués des partis politiques, toutes tendances confondues, et de la société civile avaient-ils la légitimité de représenter le peuple à ce dialogue. A la lecture de l'article 5 de la Constitution, la réponse est  non. Mais pour éviter l’explosion du pays, le bon sens exigeait cette possibilité exceptionnelle. Aux grands maux, les grands remèdes.  

 

 

Une situation constitutionnelle inédite

 

La non tenue des élections a déréglé l'ensemble de l'architecture constitutionnelle Congolaise. Une situation politique et juridique que la Constitution n'avait pas prévue. Pour permettre une bonne cohabitation entre la MP et l’Opposition pendant cette période exceptionnelle, certaines dispositions constitutionnelles doivent être mises en veuille et remplacées par les clauses de l'accord de la Saint Sylvestre.

 

C'est notamment le cas des dispositions de l'article 78 de la Constitution qui, au lieu de nommer le Premier ministre au sein de la majorité parlementaire, le Président de la république nomme le Premier ministre présenté par le Rassemblement c'est-à-dire le Président de la république entérine le Premier ministre présenté, choisit unilatéralement par le Rassemblement. Son pouvoir discrétionnaire est ici inopérant, le Président de la république, par la cohabitation, se voit dicté par l’opposition.   

 

Seule l'élection au suffrage universel direct confère au Président de la république sa position particulière au sein de l'Etat. Il est le symbole de l'unité nationale, il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions ainsi que la continuité de l'Etat. L'étendue du pouvoir du Président de la république est énorme, il peut ainsi dissoudre l'Assemblée nationale, initier une révision constitutionnelle, déclarer la guerre ou nommer discrétionnairement le Premier ministre, les décisions judiciaires sont exécutées en son nom, par-ce-qu'il est l'élu de la nation, il exerce pleinement tout ces pouvoirs. C'est normal, il est le Chef de l'Etat, il  représente la nation.

 

Mais la position du Président Kabila est celle d'un putschiste, par la non organisation de l'élection présidentielle, il  aurait dû démissionner le lendemain du 19 décembre 2016 pour permettre la continuité régulier de l'Etat. En restant au pouvoir sans consentement populaire dûment exprimé, il a perdu certains privilèges liés à la fonction présidentielle ; il est pour ainsi dire un Président de la république protocolaire qui expédie les affaires courantes.

  

Par Me Olivier Diansosa, Avocat 

 

Publié le 05 février 2017  

 

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LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO VERS UN ÉTAT POLICIER

 

Après la répression sanglante du meeting du Rassemblement de l'Opposition du 19 septembre 2016 tenu à Kinshasa, la Police Nationale Congolaise (PNC), ce 19 novembre 2016 en déployant un dispositif contraignant des forces de sécurité autour des lieux prévus pour le meeting et le rassemblement de membres des partis politiques de l'Opposition, s'est dit faire respecter l'interdiction de manifestation et de réunion publique prise par l’autorité politico-administrative de la ville de Kinshasa. (1)

 

En effet, l’idéal inscrit en règle d'or dans la Constitution du 18 février 2006 de la République démocratique du Congo est de « bâtir au cœur de l’Afrique un État de droit et une Nation puissante et prospère fondée sur une véritable démocratie politique, économique, sociale et culturelle ». Les libertés publiques, en l’espèce la liberté de manifester ou de se réunir pacifiquement en public sont des droits fondamentaux de l’homme, ils permettent aux citoyens de participer à la vie publique et sont considérées comme primordiaux pour la protection de l'État de droit et de la démocratie.

 

L'Etat de droit

L'État de droit s'oppose à un État de police, un État où règne l'arbitraire, le bon vouloir du prince. L'État de droit se définit très simplement comme « la soumission de l'État au droit ». (2) Hans Kelsen définit cette notion comme un « État dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s’en trouve limitée ».(3)

 

L’objectif de l’État de droit consiste à encadrer et à limiter, grâce à un ensemble de normes juridiques hiérarchisées, le pouvoir de l'État.

Les normes juridiques constituent entre elles un ordre cohérent et hiérarchisé : les plus détaillées viennent préciser les plus générales, mais ne peuvent les contredire. Cette organisation hiérarchisée, du sommet vers la base, permet de déterminer le niveau de détail adapté à chaque norme afin d'éviter de tout inscrire dans les normes supérieures. Ainsi, l'ensemble des règles est ordonné et permet d'assurer le respect des droits et libertés des citoyens. En effet, une norme ne peut méconnaître toutes celles qui lui sont supérieures. Ainsi, une décision administrative doit respecter les lois, les traités internationaux et la Constitution.(4)

 

En République démocratique du Congo la Constitution est au sommet pyramidal des normes juridiques, suivie des accords et traités internationaux dûment ratifiés, des lois, des actes ayants force de loi, des règlements nationaux, des édits, des actes administratives et réglementaires provinciaux puis de la coutume et la jurisprudence. La Constitution est la loi suprême de l'État. Aucune clause d'un traité ou d'un engagement international ne peut lui être contraire, c'est pourquoi, si le Gouvernement Congolais conclut un traité ou souscrit à un engagement international comportant un élément contraire à la Constitution, le traité, en droit interne, ne pourra produire aucun effet tant que la Constitution n'aura pas été révisée. (5)

 

L’État de droit ne peut être conçu sans une justice indépendante, celle-ci nullement sans une séparation équilibrée des pouvoirs. Une justice indépendante est donc inhérente à un État de droit, l’existence des juridictions indépendantes, compétentes qui appliquent à la fois le principe de légalité, qui découle de l’existence de la hiérarchie des normes, et le principe d’égalité, qui s’oppose à tout traitement différencié des sujets de droit. (6)

 

Le juge doit donc, à ce titre, faire un usage impartial, sincère et correct du droit. Ainsi on attend de lui qu'il n'utilise pas sa fonction d'interprétation, de jugement à des fins politiques. Le juge constitutionnel est le gendarme de l'État de droit, il est observé par le peuple et peut, éventuellement être sanctionné par le peuple. C’est ce qui ressort de la compréhension du prescrit de l'article 64 de la Constitution qui accorde à tout citoyen Congolais « le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d'individus qui exerce le pouvoir en violation de la Constitution ». Il faut un gendarme pour surveiller le gendarme.

 

Restriction des libertés publiques

Dans plusieurs villes du pays, les mois de mai, juin et septembre 2016 étaient particulièrement mouvementés, marches, villes mortes, meetings, enlèvements et arrestations.

Outils des répressions politiques, l’Agence Nationale des Renseignements (ANR) et la Garde Républicaine (militaires chargés de la sécurité présidentielle) usant souvent des méthodes barbares, semblables à Staatssicherheit (7), respectant des ordres illégaux des dirigeants politiques, pourchassent et arretentles militants des droits humains et les opposants au régime en place. L’Etat de droit supposé, qu’on se le dise, laisse peu à peu place à un Etat visiblement totalitaire.

 

Le rapport préliminaire de l’enquête du Bureau conjoint des Nations Unies aux Droits de l'homme (BCNUDH) sur les violations des droits de l’homme lors des manifestations du 19 et 21 septembre 2016 à Kinshasa a documenté 53 personnes tuées dont 7 femmes, 2 enfants et 4 policiers ; 143 personnes blessées et plus de 299 personnes arrêtées illégalement. Selon les informations recueillies dans ce rapport, les principaux auteurs de ces actes attentatoires aux droits humains sont les agents de la Police Nationale Congolaise, ainsi que les militaires des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et de la Garde républicaine. Le BCNUDH a constaté "l’usage excessif de la force et la large utilisation d’armes létales lors d’opérations de gestion de foule". (8)

 

Les violations des droits fondamentaux de l’homme ci-haut inventoriés ont conduit rapidement à la réduction encore plus stricte de l’exercice des droits civils et politiques en République démocratique du Congo : brouillage temporaire des Radio Okapi et Radio et Télévision Belge Francophone (RTBF), coupure totale du signal émetteur de Radio France Internationale (RFI). A Kinshasa, Lubumbashi et autres grandes villes du pays, sans égard à la Constitution, le droit de manifester et de se réunir en public sont simplement interdits.

 

Une équipe d’experts des droits de l’homme des Nations Unies et de nombreuses organisations de défense des droits de l'homme Congolaises notamment l’Association africaine de Droits de l’Homme (ASADHO) et la Voix des sans-voix (VSV) ont dénoncé cette interdiction et l'ont qualifié, à juste titre d'ailleurs, d’anticonstitutionnelle.

En République démocratique du Congo, la liberté de manifestation ou de réunion publique est prévue et garantie dans la Constitution, l’article 26 proclame clairement que : « la liberté de manifestation est garantie. Toute personne a droit à la liberté d'expression, ce droit implique, poursuit-elle, la liberté d’exprimer ses opinions ou ses convictions, notamment par la parole, l’écrit et l’image » (Article 23).

 

Le Gouvernement Congolais a, en sus, ratifié plusieurs traités et accords internationaux relatifs aux Droits humains et aux libertés fondamentales et a intégré ces droits et libertés dans le corpus juridique interne. Ainsi : l'article 20 de la Déclaration universelle des Droits de l'homme déclare : « toute personne a droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques. Nul ne peut être obligé de faire partie d’une association ». Le Pacte international relatif aux Droits civils et politiques consacre la liberté d’expression et précise en son article 19 que "nul ne peut être inquiété pour ses opinions. Toute personne a droit à la liberté d'expression."

 

Pour toutes les manifestations organisées sur les voies publiques ou en plein air, l’article 26 de la Constitution impose aux organisateurs « d’informer par écrit l’autorité administrative compétente ». Aucune autre formalité administrative n’est requise. L’autorité saisie n’autorise, ni n’approuve la tenue de la manifestation publique, elle est simplement informée.

 

Il va sans dire que l’article 4 du décret-loi n°196 du 29 janvier 1999 qui prévoyait l’autorisation préalable, ne pouvait, depuis la promulgation de la Constitution par le Président de la république, produire d’effets juridiques. Ce, sur base de l'article 221 de la Constitution qui dispose : « pour autant qu’ils ne soient pas contraires à la présente Constitution, les textes législatifs et réglementaires en vigueur restent maintenus jusqu’à leur abrogation ou leur modification ».

 

L’État de droit ne peut être conçu sans une justice indépendante, celle-ci nullement sans une séparation équilibrée des pouvoirs. Une justice indépendante est donc inhérente à un État de droit, l’existence des juridictions indépendantes, compétentes qui appliquent à la fois le principe de légalité, qui découle de l’existence de la hiérarchie des normes, et le principe d’égalité, qui s’oppose à tout traitement différencié des sujets de droit. (6)

 

La Circulaire n°002/2006 du 29 juillet 2006 relative aux réunions et manifestations publiques renchérit que : « les dispositions de la Constitution et de la loi électorale sus évoquées consacrent le principe d’information ou de la déclaration préalable et annulent celui de l’autorisation préalable prévu par le Décret-loi n°196 du 29 janvier 1999 portant réglementation des manifestations et réunions publiques ».

 

Mais dans la pratique, très souvent, la Constitution est malmenée. L’autorité administrative saisie ignore les dispositions constitutionnelles et préfère, pour des considérations politiques, ne pas appliquer la norme suprême.

  

Les services des sécurités

Lors des manifestations publiques, au cas où il y a débordements ou troubles graves, la Police intervient pour rétablir l’ordre. Elle peut, de manière exceptionnelle, si elle n’arrive pas à maîtriser les manifestants, faire appel à l’armée.

 

La Police Nationale Congolaise est, aux termes de l’article 182 de la Constitution et de l’article 5 du décret-loi n°002/2002 du 26 janvier 2002, une force chargée de veiller à la sécurité et à la tranquillité publique, de maintenir et de rétablir l’ordre ainsi que de la protection rapprochée de hautes autorités. Mais très souvent, lorsqu’il s’agit de maintenir ou de rétablir l'ordre, singulièrement lors des manifestations ou réunions publiques voire même privées, on constate, aux cotés des agents de la Police Nationale Congolaise, une forte présence des agents de la Garde Républicaine et de l’Agence Nationale de Renseignements. Leur présence injustifiée présage des arrestations et détentions illégaux.

 

Les membres de la Garde Républicaine n’ont pas d’autorité légale pour procéder à des arrestations, mais en réalité ils arrêtent des centaines de personnes, aussi bien des civils que des militaires. Le rapport préliminaire de BCNUDH en fait une démonstration suffisante.

 

Tout compte fait, les autorités politico-admnistratives Congolaises en bafouant les règles substantielles de l'Etat de droit, idéals cardinales de la Constitution du 18 février 2006, ramène la République démocratique du Congo à des millions des années lumière de la démocratie et la rapproche vertigineusement à un Etat policier.

Il est sans nul doute que la restriction drastique de l’espace politique, la répression brutale des libertés publiques, d’une part et la volonté toujours persistante des partis politiques de l’Opposition et des mouvements citoyens d’exiger, à partir du 19 décembre 2016, le départ du Président Kabila, d’autre part risquent dans un proche avenir de plonger le pays dans un état d‘urgence de fait. Nous invitons, à cet effet, la mouvance présidentielle et le Rassemblement de l'Opposition d’agir en toute responsabilité, le chaos ne profitera à personne.

 

Par Me Olivier Diansosa

 

Publié le 5 décembre 2016